D’une façon différente dans les manifestations, mais chez ces hommes et ces femmes viennent se poser la question de la perception de son corps, de son ressenti, de l’identification de ses émotions ; la question de l’écoute, du consentement et du respect.
L’objet du travail ici est de repasser par la perception de son corps à travers le jeu corporel, la relaxation et le massage afin de favoriser l’image et l’estime de soi, et ainsi de pouvoir apaiser sa relation à l’autre.
Nous choisissons de commencer d’abord un travail en groupe. Nous distinguons hommes et femmes dans nos groupes, parce que les questions du corps et de l’intime ne se manifestent pas de la même façon, et qu’il s’agit aussi d’un temps privilégié en dehors de la vie quotidienne collective.
Dans ma façon d’intervenir, j’associe le personnel éducatif à participer aux ateliers : « faire avec » pour mieux « faire ensemble ».
Les encadrants se retrouvent eux aussi en posture d’apprenants, voient les personnes qu’ils accompagnent au quotidien sous un autre jour, et vient se tisser dans leur relation d’autres espaces qui viendront faire écho dans la vie quotidienne et serviront de supports.
Il y a eu chez chacun des évolutions très marquées, de mon point de vue mais également de celui de l’équipe qui a perçu de véritables changements dans la vie quotidienne.
La question nous paraît avec l’équipe d’autant plus importante s’agissant d’une population fragile, pouvant être en difficulté dans les limites relationnelles.
L’une des évolutions les plus frappantes a été celle de A. Au début du cycle, A. ne veut pas participer.
Très méfiante dans le contact, elle ne se laisse pas approcher. Elle ne veut pas de contact, a une peur terrible des microbes et est très ritualisée. Son contact avec l’autre peut être très distant ou au contraire plus agressif, comme si A. se sentait toujours menacée.
Je l’invite à venir, simplement observer. Ici c’est un lieu qui peut accepter que chacun vienne à son rythme, et je me porte garante du respect de l’espace des autres. A ; est très observatrice. Peu à peu, A. essaye un mouvement, une respiration. Elle s’arrête quand c’est trop, et dans le cadre qui est posé, on s’entend comme « c’est trop d’énergie, de barrières pour moi. Mais je connais le cadre, je sais aussi les bienfaits, alors je reste dans l’écoute ». Elle commence à verbaliser ses sensations, ses ressentis et alors progressivement son champ lexical du corps qui est vécu dans la menace et la douleur, vient à explorer un nouveau champ : celui de la douceur, du bien, du bon.
A notre dernière séance, A. me laisse lui masser les mains. Les éducatrices sont stupéfaites, A. est elle-même surprise par ces sensations de bien-être qui la gagne. Et moi je me laisse toujours joyeusement surprendre par des capacités d’évolution humaines de toutes ces personnes, que parfois on ne voit plus dans le ronronnement des structures sociales.
Il y a un vrai potentiel à exploiter de l’approche corporelle dans les structures sociales et de santé mentales, un matériau à manier avec les équipes qui elles portent l’accompagnement au quotidien.
Le soin, le retour au corps vient permettre un retour sur soi, d’être considéré comme individu à part entière et de restaurer, au fil du travail, une image et une estime de soi abîmées.
Novembre 2019, fin d’un cycle d’intervention en ateliers collectifs de médiation corporelle depuis avril 2019, auprès de femmes et hommes adultes déficients intellectuels.
L’idée de ce projet d’intervention s’est réellement construite avec l’équipe, et notamment avec deux éducatrices engagées et sensibles aux questions du corps pour ce public.